L'Occupation - Royan : verrou de la Gironde
A peine signé l'armistice, deux détachements de la 44e division de la Wehrmacht arrivent à Royan le 23 juin 1940. La ville et la presqu'île d'Arvert sont transformées en forteresse pour le contrôle de l'estuaire de la Gironde. Les Allemands s'installent alors dans les hôtels et les écoles.
Les points stratégiques de commandement sont établis dans le Golf-Hotel à Pontaillac pour l'état-major de la marine du Golfe de Gascogne. La Kommandantur s'installe à Forillon. L'hôtel Oceanic de Vallières devient un hôpital.
Autour, les troupes d'occupation forment un maillage dans le cadre du mur de l'Atlantique. L'organisation Todt modernise les batteries de Chay, de Suzac et de La Coubre. Le centre ferroviaire de Saint-Jean-d'Angély, le camp d'aviation de Fontenet sont intégrés au dispositif de défense. Les carrières d'Hurtebise deviennent le plus important dépôt de munitions du mur de l'Atlantique.
Royan, commune de 13 000 âmes, vit alors à l'heure allemande sous la conduite de son maire, M. Houssin, élu en vertu de la loi vichyssoise du 16 novembre 1940.
Soulac. Nettoyage de la région, en avril 1945, parallèlement aux opérations menées pour la réduction de la "poche" de Royan.Les F.F.A., sur la droite, ont nettoyé leur secteur. Colonne de prisonniers allemands. Source : DMPA/SHD |
Organisation de la Résistance La rupture d'un câble téléphonique, la mort d'un soldat allemand, le bris de la vitrine du local du parti de Marcel Déat et quelques attentats constituent les premiers actes de résistance. Le mouvement s'organise réellement à partir de 1942 sous la conduite de Madeleine Fouché. Les recrues des corps d'officiers, tels les commandants Thibaudeau et Baillet, structurent la résistance de Charente-Maritime dès l'été 1943. Ces troupes jouent un rôle essentiel, tant par leur rôle de renseignement que militaire, dans la libération de la ville. |
Formation des "Poches" Le 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie. Les maquis harcèlent les troupes d'occupation. En août la Wehrmacht bat en retraite, Nantes et Bordeaux tombent. Les Allemands stationnés le long des côtes françaises se replient sur leurs bases maritimes qu'ils transforment en solides camps retranchés défendus par des batteries côtières, bunkers, barbelés et champs de mines. Près de 100 000 hommes, protégés par plus de 1000 blockhaus et 1300 pièces d'artillerie, constituent ainsi autant de "poches" de résistance ennemie dans les lignes alliées, telles Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle, l'île de Ré, l'île d'Oléron, la Pointe du Grave et Royan. Commence alors durant l'hiver une guerre de position, ponctuées par des raids et des tirs d'artillerie renforcée par des actions de sabotage et de renseignement de la résistance intérieure. |
Le siège de Royan (septembre 1944 - 17 avril 1945) A l'été 1944 les belligérants se préparent à la guerre de siège. Le colonel Pohlmann, nommé commandant des troupes allemandes en juin 1944, organise à partir du 18 août 1944, la défense de la place et du siège. Il envoie des commandos jusqu'à Saintes et Jonzac pour récupérer les matériels et le ravitaillement. Les canons du mur de l'Atlantique (soit 218 ouvrages) sont retournés vers l'intérieur du pays et appuyés par 4 batteries de DCA et 150 canons, 215 000 mines parsèment le front de terre. La "Poche de Royan", contrôlée par une garnison de 5 500 hommes (le 1er régiment de Royan en avant-poste et le bataillon Tirpiz sur la Seudre et à La Coubre), est ainsi délimitée par la Seudre et ses marais jusqu'à l'Eguille et, au sud-est, par une ligne Saujon-Cozes. L'état de siège est décrété le 12 septembre 1944 par Pohlmann qui, refusant de faire sauter Royan et de battre en retraite, est remplacé par l'amiral Michahelles, contraint alors de mener une guerre de position. Dans les rangs alliés, la coordination est difficile. Les Anglo-américains, désireux d'en finir avec l'Allemagne nazie, préfèrent concentrer les troupes dans l'Est de la France et bombarder les zones de résistance ennemie. De Gaulle et son état-major préfèrent attaquer avec les fantassins, mais doivent en priorité structurer les maquis grossis à la fin août par le renfort de résistants des départements extérieurs ("Bir-Hakeim", "Foch", "Demorny") qui participent à la reconquête de Jonzac (13 août), Saint-Jean-d'Angély (13 septembre), Saintes (4 septembre) et Rochefort (12 septembre). Les troupes issues des maquis sont transformées, sous l'autorité du colonel Adeline et du délégué national Chaban-Delmas, en unités de l'armée française. Adeline transfert son poste de commandement à Saintes afin de superviser les 7 000 forces française de l'intérieur (FFI), ou groupement "Z", les résistants de Roland, l'armée secrète de Dordogne et le groupement des franc-tireurs partisans (FTP) de Bernard. Le 14 octobre, le général de corps d'armée Edgard de Larminat est nommé par de Gaulle commandant du détachement d'armée de l'Atlantique (DAA) pour libérer les poches côtières. 5 janvier 1945 : bombardement de Royan. |
Libération de Royan. 15 avril 1945. Source : DMPA/SHD |
Convaincu de l'importance de réduire les poches de résistance, le général De Gaulle prépare à l'automne 1944 avec l'aide de la 2e DB et l'état-major anglo-américain "l'opération Indépendance" destinée à libérer Royan. L'opération, prévue pour le 25 novembre et repoussée au 10 janvier, doit être annulée côté français en raison du départ des chars de la 2e DB pour contenir la contre-attaque allemande dans les Ardennes. Cependant une erreur de commandement conduit au raid aérien de 300 appareils de la Royal Air Force du 5 janvier qui, en deux vagues (à 5h00 et à 6h00), déverse 1 600 tonnes de bombes sur la "Poche de Royan", faisant un millier de victimes civiles. La responsabilité de ce désastre est partagée. Les Français, dans leur hâte de reprendre les poches de l'Atlantique avec les troupes anglo-américaines, n'ont pas assez porté attention à l'évacuation des populations civiles. Les états-majors américains et britanniques, partisans dès le départ d'un bombardement systématique des poches de résistance, ont interprété de manière erronée les expressions imprécise de "position de Royan", "réduit de Royan", qu'ils ont traduites par "Royan area", preuve de leur confusion entre la ville de Royan et la ceinture fortifiée de la ville. |
13 - 17 avril 1945 : opération Vénérable Durant le mois de janvier les populations civiles sont secourues et évacuées. Les Allemands expulsent les derniers civils en février. Parmi les actions de secours, mentionnons celle de Samuel Besançon, pasteur de Royan et un des chefs de la résistance royannaise, qui est à l'origine de l'édification du mémorial du souvenirs aux victimes du bombardement. Le général de Larminat obtient le retour d'une partie des unités du front des Ardennes : des formations de l'armée d'Afrique, une fraction de la 2e DB (12e cuirassiers, 12e chasseurs d'Afrique, 1er spahis marocains, régiment blindé des fusiliers marins) et des bataillons coloniaux (Oubangui-Chari et Antilles). Ces troupes viennent ainsi renforcer les 25 000 soldats, les unités de la résistance appuyés par les forteresses volantes. Le 13 avril, le général de Larminat exhorte ainsi ses troupes : "Le moment est venu de faire sauter la forteresse ennemie de Royan-Grave. Les moyens matériels sont réunis, le succès de l'opération ne dépend que de l'audace et de la sagesse des chefs, de la valeur et de l'intelligence des soldats [...] C'est une part notable dans la renaissance du pays qui est entre vos mains" (ordre général n° 7). Dans la nuit du 13 au 14 avril les bombardements américains préparent l'assaut. Le 14, à 16h35, les chars, suivis de l'infanterie, attaquent simultanément la Pointe de Grave et Royan, pénétrant ainsi les positions allemandes. Le groupement nord, commandé par le colonel Grenger, lance l'offensive à partir de Saujon vers Médis. La position prise, un pilonnage d'obus le lendemain ouvre la route aux unités, réduites à la 2e DB, qui progressent vers la presqu'île d'Arvert, et entrent dans Bernon puis Royan. |
Royan. Vue de la rue Gambetta en ruines. Source : DMPA/SHD |
Les hommes du groupement sud, sous les ordres du colonel Adeline, qui ont lancé l'offensive de Cozes vers Talmont, Meschers et Trignacles font la jonction avec celles de Grenger à Triloterie. Les chars du 12e cuirassier pénètrent dans Royan, réduisent les poches de résistance ennemie. Ils foncent au nord-ouest, prenant ainsi Vaux-sur-Mer, Courlay, Saint-Augustin et les Mathes et appuyant l'offensive des groupements Cézards et Monnet, basés plus au nord, qui traversent la Seudre le 16 avril, et atteignent la presqu'île d'Arvert et La Tremblade. Ces dernières, avec la Grande Côte, la Pointe de La Coubre et Pontaillac sont les derniers points de résistance. Le 17 avril l'amiral Michahelles, commandant de la place de Royan, est capturé. Le 18 avril, une dernière vague de bombardements emporte la reddition des bunkers de la forêt de la Coubre. |
Bilan Les combats pour la libération de Royan ont fait 150 morts et 700 blessés chez les alliés. On dénombre 479 victimes et 4600 prisonniers allemands. |
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